Une drôle d’aventure
L’aventure a commencé fin 2013 lorsqu’un passionné, monsieur Mathieu Delmas, a convaincu la paroisse de Marcilhac qu’un orgue aurait toute sa place dans l’abbaye plus que millénaire. Après des recherches minutieuses et un « casting » rigoureux, c’est l’orgue de la petite paroisse anglaise de Cragg vale, près de Manchester, qui a remporté notre adhésion. Pour des raisons de réaménagement intérieur, la paroisse devait se résoudre à se séparer de son cher instrument liturgique, conçu particulièrement pour accompagner le chant et la liturgie. Mais pas question de le céder à des barbares ! Il fallait des garanties de sérieux et de professionnalisme que nous avons su offrir !
Puisque les autorisations étaient en règle (en particulier l’autorisation d’exporter d’Angleterre un monument historique, puisque l’orgue est de 1886), le travail ardent des bénévoles et les dons généreux des pèlerins et visiteurs de l’abbaye durant l’été ont permis le démontage et le rapatriement de l’orgue en France, dans les ateliers de monsieur Gérard Bancells, le facteur que nous avons sélectionné pour réaliser la restauration de ces orgues historiques.
Un juste retour de l’histoire
Le don fait de cet orgue est une délicatesse de l’histoire, comme une réconciliation posthume qui traverse les siècles… Car l’abbaye a été durement éprouvée du temps de la guerre de Cent ans… L’immense et majestueuse abbaye romane (dont il nous reste quelques vestiges dans la partie non couverte de l’abbaye) ayant été ravagée par des routiers Anglais au XIVe siècle, il est émouvant de constater qu’aujourd’hui ce sont aussi des Anglais qui ont eu la générosité d’offrir leur instrument à l’abbaye Saint Pierre de Marcilhac !
Le grand saut de la Foi !
Posséder un orgue en pièces détachées, c’est bien…mais posséder un orgue en état de marche et dans l’abbaye…c’est mieux !… Pour atteindre notre projet, il n’y avait qu’une marche à franchir, mais elle était haute : 50 000 € à trouver !… C’est alors qu’un partenaire de financement participatif -Credofunding- nous est providentiellement tombé du ciel en proposant de nous aider ; par ailleurs, les réseaux sociaux ont donné une visibilité à notre projet pour l’abbaye, en suscitant l’engouement chez les donateurs…et les journalistes, qui ont largement contribué au succès de notre pari, et relayant nos initiatives par tous les médias possibles !…
Pour corser le tout, il fallait à cette aventure un grain de folie qui viendrait rallier encore de nouveaux « fans » de l’abbaye !… Cette occasion s’est présentée lorsque les paras du club de parachutisme de Cahors, Cahors Skydive, on lancé un défi à l’abbé Guillaume Soury-Lavergne, curé de la paroisse de Marcilhac : ils accepteraient de soutenir le projet à la seule condition ( !) que le Père Guillaume accepte de dépasser sa peur et de sauter en parachute !… Après de longues tergiversations et beaucoup de sueurs froides, l’abbé finit par accepter, et lorsque les donateurs eurent procuré la somme minimale exigée pour le grand saut, il fallut bien s’exécuter ! Ce fut précisément le jour anniversaire de sa paroisse que l’abbé passa, tout tremblant, la porte de l’avion pour tomber du ciel ( !) durant les 2500 mètres de chute libre que les paras lui avaient réservés avant le déploiement du parachute!… Bien entendu, un abbé dans le ciel, cela n’a pas manqué d’attirer les regards vers Marcilhac !
La bénédiction des grandes orgues
La restauration, la mise en place et la mise en peinture des grandes orgues ont été rendues possibles par la générosité des donateurs qui ont offert la totalité du budget nécessaire. Le majestueux instrument ne saurait résonner sans avoir au préalable été béni ; la liturgie catholique accorde en effet une place unique à cet instrument « qui ne fournit qu’une seule musique à partir de la multitude de ses tuyaux et de la richesse de ses timbres », à l’image des fidèles qui ne forment qu’un seul corps, unis par leur amour pour Jésus.
La dignité de cet instrument, couronné au XIVéme siècle du titre de « Roi des instruments » par le poète célèbre Guillaume de Machaut, est à ce point considérée par l’Église qu’un rite spécial de bénédiction lui est dédié ! C’est l’évêque de Cahors en personne, S.E. Monseigneur Laurent Camiade qui viendra présider à la bénédiction des grandes orgues, durant la messe solennelle du dimanche 10 avril 2016. Au cours d’un dialogue émouvant entre lui et le majestueux instrument, il fera littéralement s’éveiller les nouvelles orgues qui dorénavant résonneront pour le service de la Liturgie, pour l’accompagnement de la voix humaine, et, bien entendu, pour le plus grand plaisir des mécènes, des donateurs et des mélomanes !
Un organiste de renommée internationale
Il n’échappera à personne que si un nouvel instrument vient désormais ajouter à la majesté des lieux, il faut aussi un instrumentiste pour lui donner vie !…Là encore, l’aventure humaine vécue à l’abbaye révèle sa richesse par les occasions extraordinaires qu’elle suscite !… Il y a un an, un maestro Italien, organiste et claveciniste, a, à plusieurs reprises, entendu parler de ce qui se passait alors dans une lointaine abbaye Française : Saint Pierre de Marcilhac. Séduit par l’enthousiasme qui émanait de l’équipe qui œuvrait au renouveau de l’abbaye, attiré par le défi que représentait la tâche, et amusé par les moyens non conventionnels qui furent employés pour communiquer, il maestro Giorgio Revelli de Taggia, proposa d’offrir son aide pour aider à la restauration de l’abbaye. Depuis sa lointaine Italie, il n’a pas eu peur de venir offrir un concert en l’abbaye en portant avec lui son clavecin !… La soirée offerte pour l’abbaye fut évidemment un grand succès, et elle a permis à chacun de découvrir la personnalité attachante, généreuse et passionnée du Maestro !…
C’est avec enthousiasme que Maestro Giorgio Revelli a accepté d’être au clavier pour le réveil historique des grandes orgues de l’abbaye le 10 avril prochain. Et pour nous c’est un honneur !… Que les orgues reprennent vie par la grâce artistique d’un grand maître Italien est pour l’abbaye un beau rappel de l’histoire ; les fresques exceptionnelles du XVème siècle conservées dans le transept Nord rappellent que ce sont des artistes Italiens qui, tandis que cette technique a fresco nouvelle était découverte de l’autre côté des Alpes, sont venus apporter leur savoir faire à une abbaye en pleine reconstruction, guidés par un programme artistique extrêmement audacieux pour l’époque.
Pourquoi bénir un orgue ?
“On bénit un orgue parce qu’il fait UN avec l’assemblée qui est rassemblée justement «pour la gloire de dieu et le salut du monde”. Il est pour la liturgie, par le symbolisme de ses innombrables tuyaux, et par la médiation de l’organiste(et sa prière),l’instrument qui permet à l’assemblée d’être unifiée dans une même louange. Il permet de donner à la prière sa plénitude de célébration: les préludes, l’accompagnement du chant le font considérer par la liturgie comme une personne qui donne au chant de l’assemblée le sens de la gloire de dieu ;ces qualités sont magnifiquement soulignées par la prière de bénédiction et par le chant de l’orgue, prévu par le rituel, où dialogue et répond au prêtre la beauté de l’instrument, exprimant l’âme de l’Église en prière.” (P. Loïc Belan)
Faire résonner la parole
La célébration commence par un chant qui est pris sans accompagnement instrumental (a capella) car il n’est pas question de faire entendre l’orgue avant qu’il ne soit béni !
Après le mot d’accueil, l’assemblée est invité à écouter des lectures bibliques : en réponse à la première lecture, le chant d’un psaume (toujours a capella).
La prière de bénédiction
Elle est prononcée par le célébrant qui asperge l’instrument et l’encense.
Diffusion de la messe de bénédiction de l’orgue de Marcilhac-sur-Célé
Dieu, qui a rendu l’homme capable
d’exprimer par la musique sa joie et sa peine,
nous te prions : daigne bénir cet orgue grâce auquel
nos coeurs et nos voix seront davantage unis pour te célébrer.
Daigne aussi bénir tous les musiciens qui le feront sonner :
que ton Esprit les inspire afin qu’ils rendent gloire à ton nom
et soutiennent le chant de l’assemblée.
Et comme cet instrument ne fournit qu’une seule musique
à partir de la multitude de ses tuyaux et de la richesse de ses timbres,
fais de tous les membres de ton Église un seul peuple,
le corps de ton Fils, Lui qui règne pour les siècles des siècles,
Amen.
Le dialogue : “Éveille toi !”L’orgue est maintenant béni et c’est alors que va se produire l’événement tant attendu où, pour la première fois, il va faire entendre sa voix. L’Église a tenu à ce que cet instant solennel soit lui-même ritualisé. Pour mieux intégrer l’instrument au ” ministère ” liturgique qu’il aura à accomplir, le célébrant va donc l’invoquer par huit fois, en détaillant la diversité de ses fonctions :
- Louer le Père (1), le Fils (2) et l’Esprit (3)
- Honorer la Vierge Marie (4)
- Participer à l’action de grâce (l’Eucharistie) (5)
- et à là supplication des fidèles (6)
- Apporter le réconfort à ceux qui sont dans la peine (funérailles) (7), et
- Soutenir la prière (8).
La première des invocations commence par cette invitation : “ Éveille-toi, orgue, instrument sacré ! ” Cette formule vient tout droit de la phrase du psaume 56 que l’on retrouve dans le 107 : “ Éveillez-vous harpe, cithare, que j’éveille l’aurore ! “. L’orgue en effet s’éveille et, à chaque invocation, l’organiste improvise selon l’esprit de la demande et en présentant la variété des timbres et des combinaisons de l’instrument.
Éveille toi, orgue, instrument sacré,
entonne la louange de Dieu
notre créateur et notre Père.
Orgue, instrument sacré,
célèbre Jésus notre Seigneur,
mort et ressuscité pour nous.
Orgue, instrument sacré,
chante l’Esprit Saint qui anime nos vies
du souffle de Dieu.
Orgue, instrument sacré,
élève nos chants et nos supplications
vers Marie la mère de Jésus.
Orgue, instrument sacré,
fais entrer l’assemblée des fidèles
dans l’action de grâce du Christ.
Orgue, instrument sacré,
apporte le réconfort de la foi
à ceux qui sont dans la peine.
Orgue, instrument sacré,
soutiens la prière des Chrétiens,
Orgue, instrument sacré,
proclame
Gloire au Père, et au fils, et au Saint Esprit !
La dernière invocation est une invitation à la doxologie (Gloire au…) à laquelle l’organiste répond comme aux précédentes, mais en transformant son improvisation en prélude à un chant connu de tous les participants. Et pour la première fois, l’assemblée chante unanimement le Seigneur, en étant soutenue et renforcée par l’accompagnement de l’orgue.
La célébration s’achève par le Notre Père.